La responsabilité de la plateforme Airbnb vient d’être confirmée
en appel dans une affaire de sous-location illégale.
publié le : 26 janvier 2023
Le 3 janvier 2023, la Cour d’Appel de Paris a confirmé la condamnation de la société Airbnb pour avoir « largement contribué » au préjudice subi par la propriétaire dont le logement situé dans le quartier prisé du Marais à Paris, avait été sous-loué sans son autorisation.
Les juges ont considéré qu’Airbnb avait offert une aide logistique importante sans laquelle la locataire indélicate n’aurait jamais pu sous-louer le logement aussi régulièrement. En effet, sur les 606 jours qu’avait durée la location, la locataire avait sous-loué l’appartement 534 jours par l’intermédiaire de la plateforme.
La Cour d’Appel confirme ainsi le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 5 juin 2020 qui avait condamné la société Airbnb in solidum avec la locataire indélicate à verser à la propriétaire du logement qui avait été sous-loué, la somme totale des sous-loyers perçus illégalement, après déduction du loyer principal, soit une somme de plus de 30.000 €.
Une condamnation in solidum d’Airbnb avec la locataire indélicate.
En raison du risque que la locataire soit insolvable, il était pertinent pour la propriétaire bailleresse de démontrer la responsabilité de la société Airbnb, dont le chiffre d’affaires se compte en milliard d’euros, pour obtenir sa condamnation in solidum avec la locataire.
En effet, une condamnation in solidum permet à la propriétaire de disposer de deux débiteurs, la locataire et Airbnb. Elle peut s’adresser au débiteur de son choix qui sera alors tenu de lui payer l’intégralité de la condamnation.
La propriétaire sera ainsi sûre de recouvrer la somme qui lui est due puisqu’en pratique elle se retournera contre le débiteur le plus solvable.
Une condamnation d’Airbnb possible en raison de la reconnaissance de sa qualité d’éditeur : elle est responsable des annonces diffusées.
Cet arrêt vient conforter les droits des bailleurs en cas de sous-location illégale mais aussi et surtout, il vient responsabiliser les plateformes qui soutiennent régulièrement en défense n’avoir qu’un simple rôle de prestataire technique pour bénéficier de la responsabilité allégée prévue en faveur des hébergeurs.
En effet, les hébergeurs ne sont pas responsables des contenus qui sont mis en ligne par les utilisateurs de leurs services sauf s’ils avaient effectivement connaissance qu’ils étaient illicites ou si une fois qu’ils ont été informés du caractère illicite d’un contenu, ils ne les ont pas rapidement supprimés
La condamnation d’Airbnb ne pouvait être possible que s’il était démontré qu’elle était bien un éditeur car contrairement à un hébergeur, l’éditeur est responsable de plein droit des contenus et donc des annonces qui sont diffusées sur sa plateforme.
Et pour la Cour d’Appel, qui confirme l’appréciation des juges du fond, il ne faisait aucun doute qu’Airbnb revêtait bien la qualité d’éditeur en raison de son « rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données ».
La conséquence pratique est que dès lors qu’une plateforme est reconnue avoir la qualité d’éditeur, sa responsabilité pourra être engagée pour toute annonce qui ne serait pas licite.
Pour démontrer la qualité d’éditeur, il faut prouver un « rôle actif » de la plateforme et cela nécessite d’analyser les documents contractuels.
Cette démonstration passera nécessairement par l’analyse des documents contractuels qui sont acceptés par les utilisateurs de ces plateformes car il faudra prouver qu’elle a joué un « rôle actif » dans la mise en relation d’hôtes avec des voyageurs.
Pour Airbnb, il a ainsi été possible d’établir que de nombreuses contraintes étaient imposées aux hôtes pour lesquelles Airbnb disposait d’un droit de regard avec à la clef des sanctions ou des récompenses.
Les hôtes doivent respecter les « valeurs de la communauté Airbnb » : être réactifs, accepter les demandes de réservation, éviter les annulations, maintenir une bonne évaluation globale…
A défaut, la société Airbnb peut retirer l’annonce et de manière plus discutable, elle peut de manière discrétionnaire supprimer une annonce pour toute autre raison. Les voyageurs peuvent également être sanctionnés et être tenus de payer des pénalités, par exemple s’ils libèrent le logement en retard.
Quant aux hôtes qui respectent le mieux ses consignes, ils sont récompensés par l’attribution du titre de « superhosts » qui leur permet alors de bénéficier d’une meilleure visibilité.
La Cour d’Appel s’est donc appuyée sur l’ensemble de ces éléments pour démontrer le rôle actif d’Airbnb dans la rédaction des annonces diffusées sur son site et confirmer sa responsabilité.
Elle a commis une faute en ne vérifiant pas que la locataire pouvait sous-louer l’appartement.
Airbnb dispose d’ailleurs des moyens nécessaires pour vérifier le caractère licite des annonces qui sont publiées sur son site.
Par exemple et à l’instar d’autres plateformes, Airbnb s’autorise à travers ses conditions contractuelles à demander à ses utilisateurs de lui communiquer une pièce d’identité.
Il n’existe donc aucun obstacle technique ou juridique qui l’empêcherait de contrôler que la personne qui propose un logement à la location touristique détient bien les droits pour le faire et de manière plus générale, qu’elle respecte bien l’ensemble des règlementations applicables.
De précédentes décisions avaient déjà reconnu la qualité d’éditeur à Airbnb mais aussi à Booking.
Il convient de préciser que la qualité d’éditeur d’Airbnb avait déjà été reconnue par le Tribunal Judiciaire de Paris dans une décision du 1er juillet 2021 dans laquelle la ville de Paris avait obtenu sa condamnation pour ne pas avoir affiché le numéro d’enregistrement sur 1010 annonces parisiennes de locations de meublés touristiques.
Et dans une autre affaire rendue quelques mois plus tard, le 18 octobre 2021, la ville de Paris avait cette fois obtenu la condamnation de Booking qui avait tardé à lui transmettre des informations dans le cadre d’une demande de données au titre de la loi Elan. La qualité d’éditeur de Booking avait également été retenu.
Une tendance se dessine en faveur d’une responsabilisation des plateformes : une appréciation de plus en plus sévère des juges.
Face à des plateformes qui cherchent systématiquement à échapper à toute responsabilité au motif qu’elles ne seraient que de simples hébergeurs de contenus, cet arrêt vient confirmer la volonté des juridictions de mettre les plateformes face à leurs obligations.
Chaque fois qu’il sera démontré qu’une plateforme a mis en place une politique de modération, qu’elle effectue des contrôles ou encore que les utilisateurs sont contraints de respecter des consignes précises sous peine de sanctions, la responsabilité de la plateforme pourra être retenue.